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Dossier Spécial DMP ou dossier médical partagé, le carnet de santé version numérique

Alors que dans d’autres secteurs la modernisation des services et la numérisation des documents sont bien amorcées, la France souffre d’un réel retard dans le domaine de la santé. Une situation à laquelle le gouvernement essaie de remédier depuis des années comme l’atteste la création du Dossier Médical Partagé ou DMP. Ce dossier numérique destiné à remplacer le carnet de santé traditionnel est maintenant disponible pour tous les citoyens après 14 ans d’attente.

Dossier Médical Partagé (DMP) : c’est quoi ?

Le dossier médical partagé correspond à un document informatisé rassemblant toutes les informations sur le parcours médical d’un individu. On y trouvera aussi bien les dernières ordonnances prescrites par son médecin que les détails concernant les opérations chirurgicales qu’il a subis au cours de son existence. Les informations seront en principe actualisées par les professionnels de la santé lors de chaque consultation, examen ou hospitalisation.

À l’origine, le lancement de ce carnet de santé dématérialisé avait été initié par une loi datant de 2004. Néanmoins, il aura fallu 12 ans de réflexion aux parlementaires avant que le DMP ne voie réellement le jour. En effet, ce n’est qu’en 2016 que le projet entra dans une phase de tests dans 9 départements minutieusement sélectionnés. Il fallait attendre deux ans de plus pour que le grand public puisse y avoir accès.

Toujours est-il que l’Assurance Maladie joue un rôle central dans le déploiement de ce dispositif. Elle doit en principe sensibiliser la population à créer leur propre Dossier. La structure s’était donné pour mission de convaincre 40 millions de citoyens d’ici 2023.

Ce projet revêt un caractère particulier dans la mesure où le DMP contient des informations sensibles. En plus des données médicales, il présentera également l’identité du titulaire ou encore ses volontés en cas de coma ou d’arrêt cardiaque pendant une intervention chirurgicale.

Rappelons que le DMP s’adresse uniquement aux majeurs affiliés au régime général de la sécurité sociale ou ceux dépendant de régimes spécifiques (Cavimac, ENIM, MGP, MNH, Solsantis, Harmonie Fonction Publique, CANSSM, LMDE). Les ressortissants étrangers peuvent aussi y avoir droit du moment qu’ils dépendent de l’assurance maladie.

Quelle est l’utilité du DMP ?

L’objectif est avant tout d’améliorer la prise en charge des patients en facilitant l’accès aux informations d’ordre médical. Dans un avenir proche, tous les professionnels de la santé établis sur le sol français pourront consulter et éditer ce dossier numérique. Ce qui leur permettra de dispenser des soins adaptés dans les meilleurs délais.

Ce système évitera également aux médecins les traitements par tâtonnement. Ils ne prendront pas uniquement connaissance des symptômes décrits par les patients, ils auront à leur disposition les résultats des derniers examens effectués. De quoi prendre les bonnes décisions en accord avec d’autres praticiens que la personne aurait pu consulter.

Le DMP permet également un suivi constant tout au long de la vie d’une personne. Il constituera une mine d’informations particulièrement utiles pour les personnes les plus vulnérables ou fragiles. On insistera particulièrement sur le cas de la gent féminine. Effectivement, le dossier va aussi présenter en détail le déroulement de chaque grossesse, de l’examen prénatal jusqu’à l’accouchement. Ce qui donne ainsi les moyens de se prémunir contre les complications.

Pour la plupart des citoyens, ce dossier sera salutaire en cas d’urgence. Le personnel soignant saura en effet les antécédents médicaux d’une personne arrivée inconsciente au service des urgences. Les urgentistes pourront également identifier les médicaments auxquels le patient est allergique ou intolérant. Ces informations n’auraient pas pu être transmises en temps normal même en présence de proches parents en raison de l’état de choc.

Que faire pour créer son Dossier Médical Partagé (DMP) ?

Les particuliers peuvent créer leur DMP seul directement sur internet. Pour ce faire, ils doivent consulter le site dmp.fr pour ensuite demander le code d’activation. Dans cette optique, il suffira de soumettre sa requête via le formulaire de contact. Les intéressés peuvent également contacter le service client par téléphone au 3646.

Une fois sa demande traitée, le requérant recevra ce précieux code par mail ou courrier. Il faudra alors le saisir de nouveau sur le site et compléter les démarches de création. Notons que la création d’un DMP n’est pas obligatoire jusqu’à ce jour. En outre, les particuliers peuvent tout à fait supprimer leurs DMP sans avoir à fournir un motif quelconque.

Quoi qu’il en soit, il est également possible de créer son DMP auprès d’un établissement affilié à la sécurité sociale. Les particuliers peuvent également se tourner vers certains professionnels de la santé, dont les pharmaciens.

Avant de se lancer dans les démarches de création, on s’assurera cependant de bien remplir les conditions d’éligibilité. Cela épargnera à chacun toute perte de temps.

Que contient un DMP nouvellement créé ?

En principe, le dossier présentera tout d’abord les informations saisies par son titulaire depuis son espace personnel. Néanmoins, le médecin traitant ainsi que d’autres praticiens seront amenés à le compléter. Avant d’ajouter quoi que ce soit, ces derniers seront dans l’obligation de demander le consentement du principal concerné.

Dans la pratique, les informations fournies par les professionnels de la santé ne seront pas instantanément intégrées. Elles seront tout d’abord transmises à l’Assurance Maladie qui les ajoutera par la suite à ce dossier numérique. Dans un avenir proche, des logiciels dédiés verront le jour pour que des logiciels dédiés permettent d’éditer le DMP depuis des centres de soin éligibles.

Au fil du temps, le DMP présentera toutes les informations médicales datant des deux dernières années. En plus des détails sur les consultations, examens et hospitalisations, on y trouvera également l’historique des remboursements effectués par la sécurité sociale.

Le DMP : un défi de taille en matière de cybersécurité

Le DMP ne suscitera pas uniquement l’intérêt des hackers, les géants du web dont Facebook s’y intéressent également. Dans ce contexte, de nombreuses mesures ont été prises pour réduire les risques de fuites de données. D’ailleurs, la CNIL a été consultée à de nombreuses reprises pour prévenir l’apparition de failles de sécurité.

Il semble cependant que le gouvernement a tout mis en œuvre pour restreindre l’accès de la base de données. Jusqu’ici, seuls quelques professionnels et établissements triés sur le volet peuvent transmettre les données à l’Assurance Maladie. Des data center dédiés traitent ce flux d’informations à travers la plateforme Ameli. Des techniciens veillent à l’intégrité du système et les données seront conservées pendant 10 ans.

Le titulaire du dossier a aussi un rôle à jouer dans la protection de ses données de santé. Il conserve le droit de partage de ses données médicales. Il faudra demander son consentement avant de pouvoir accéder à son DMP sauf dans une situation d’urgence.

Des options ont également été intégrées pour que les praticiens ne puissent accéder qu’aux informations en lien avec leurs spécialités. Seul le médecin traitant pourra consulter l’intégralité de ce carnet de santé numérique. Le principal concerné pourra aussi choisir de masquer certains documents s’il le souhaite.

Combien de personnes disposent d’un DMP ?

L’assurance maladie présente un rapport annuel sur tout ce qui concerne le DMP. En 2019, elle rapportait que 5 millions de Français avaient créé leur DMP. En 2020, ce chiffre a pratiquement doublé en atteignant 9 millions.

Les dernières statistiques fournies mettent en lumière 100 000 inscriptions hebdomadaires. À vrai dire, la récente création d’une application mobile encourage les Français à franchir le pas. Cet utilitaire mobile permet à chacun de consulter facilement leur DMP. Toujours est-il que 63 % des nouveaux inscrits créent leur dossier après avoir été convaincu par un agent de l’assurance maladie ou par un pharmacien. Seulement, 19 % d’entre eux prennent cette décision de leur propre initiative.

À ce jour, la plupart des personnes disposant de ce carnet numérique résident soit en Île-de-France soit dans les Hauts-de-France. En revanche, rares sont les personnes qui en possèdent un dans l’Occitanie, le Grand Est et l’Auvergne-Rhône-Alpes. Bien entendu, les grandes agglomérations à l’exemple de Paris, Lyon ou Bordeaux comptent un nombre important de DMP.

D’importants écarts comparés aux objectifs fixés

Bien que la création du DMP soit un projet prometteur, le gouvernement et l’assurance maladie peinent à atteindre leurs objectifs. En ce début d’année 2021, il ne reste plus que deux ans avant 2023 et pourtant seulement 9 millions de personnes ont ouvert ce dossier de santé. Ce qui est loin des 40 millions visées par les autorités compétentes.

Malgré ces résultats, il faut savoir que le projet a couté aux contribuables 500 millions d’euros. Concernant le système mis en place actuellement, des parlementaires de tous horizons pointent du doigt la présentation des informations. Les députés qualifient même ce carnet de santé numérique de « coffre-fort fourre-tout et illisible ».

Différents groupes parlementaires ont soumis plus d’une trentaine de propositions afin de faire évoluer le dispositif déjà en place. Ces différents intervenants souhaiteraient améliorer la lisibilité du document de sorte que les simples citoyens puissent lire son contenu.

Des objectifs revus à la baisse

Conséquence directe de cette situation, l’assurance maladie a revu ses objectifs à la baisse. En raison du confinement, le nombre de créations de DMP devrait encore chuter. Pour rappel, plus d’un tiers des nouveaux inscrits décident de créer leur carnet médical après une visite à la Caisse Nationale d’Assurance Maladie de leur ville de résidence.

Pour l’année 2021, l’objectif qui était de 20 millions a donc été revu pour atteindre 14 millions. Pour pallier le faible nombre de nouveaux utilisateurs, les législateurs comptent sur la loi Buzyn qui entrera en vigueur en juillet prochain. Ce texte prévoit en effet la création automatique de DMP sous certaines circonstances particulières.

L’assurance maladie s’est également recentrée sur l’amélioration du DMP. Le but est de réorganiser le contenu d’un tiers des Dossiers déjà opérationnels. Bien entendu, un tel projet nécessitera la participation de différents établissements de soins, dont les hôpitaux et les EHPAD.

Le DMP : un futur passeport pour voyager dans toute l’Europe ?

La crise sanitaire donne également une portée particulière au déploiement du DMP. Alors que tous les pays se mobilisent pour vacciner un maximum de personnes, l’idée de créer un « certificat standardisé » germe dans l’esprit des parlementaires européens. Pour les Français, ce carnet de santé numérique pourrait bien jouer ce rôle. En effet, il pourrait indiquer la date à laquelle le titulaire a été vacciné et préciser la nature du vaccin.

Si aucune mesure n’a été prise au niveau européen jusqu’à présent, certains pays à l’exemple d’Israël déploient des passeports sanitaires. Ces documents s’obtiennent après avoir eu un test PCR négatif dans les trois jours précédant son départ et six mois après la vaccination. Les ressortissants israéliens munis de cette pièce peuvent déjà circuler librement dans certains pays sans devoir se soumettre à une procédure particulière. Les autorités compétentes songent également à exiger ce « passeport » à tous ceux qui souhaitent manger au restaurant ou encore se réunir en public.

Pour l’heure, quelques législateurs français songent aussi à mettre en place un tel dispositif. Le DMP serait bien évidemment le meilleur candidat pour devenir le futur « passeport vert » des Français.

Que penser du Dossier Médical Partagé ?

En somme, la création du DMP constitue un projet ambitieux. Dans ce contexte particulier où la France fait face à une pandémie, ce carnet de santé n’a jamais été aussi utile. De nombreux progrès restent toutefois à faire pour que ce document remplisse parfaitement son rôle. Les particuliers, mais également les professionnels de la santé regrettent la manière avec laquelle les informations sont présentées. Le contenu des différentes rubriques est habituellement désordonné. Ce qui nuit à la lisibilité de l’intégralité des informations.

Conscients de ces défauts, l’Assurance Maladie et ses partenaires mettent aujourd’hui tout en œuvre pour améliorer le DMP. Ces acteurs comptent notamment sur les retours d’expérience des principaux utilisateurs pour apporter des changements positifs. Pour l’heure, en raison de l’insuffisance des titulaires de DMP, les responsables disposent encre de peu de pistes. En ce sens, ils doivent principalement se fier à leurs instincts. Espérons que leurs initiatives donneront les résultats escomptés d’autant plus que leurs décisions alourdiront les dépenses publiques.